Cession de parts de SCI : le droit de préemption urbain (DPU) peut-il s’appliquer ?

Le droit de préemption urbain (DPU) permet aux collectivités d’acquérir en priorité un bien immobilier mis en vente dans certaines zones délimitées. Mais qu’en est-il lorsqu’il s’agit d’une cession de parts d’une société civile immobilière (SCI) détenant un tel bien ?

Cette question mérite votre vigilance : dans certaines hypothèses, la cession de parts de SCI peut être soumise au DPU, déclenchant ainsi l’obligation de dépôt d’une déclaration d’intention d’aliéner (DIA).

Droit de préemption urbain : rappel des principes

Le droit de préemption urbain, prévu aux articles L.213-1 et suivants du Code de l’urbanisme, permet aux collectivités territoriales d’acquérir en priorité un bien immobilier mis en vente, afin de réaliser des projets d’aménagement urbain. La personne titulaire du droit de préemption se substitue alors à l’acquéreur initial.

Quels biens sont concernés ?

Le DPU s’exerce uniquement sur des biens immobiliers bâtis ou non bâtis, situés dans des zones préalablement délimitées par délibération de la commune.

La déclaration d’intention d’aliéner (DIA)

Avant toute vente d’un bien soumis au DPU, le propriétaire de ce bien doit déposer une déclaration d’intention d’aliéner (DIA) auprès de la mairie de la commune où est situé le bien afin de purger le droit de préemption (Cass. Civ. 3ème 13/02/2013 n° 11-20.655).

La DIA peut être adressée sous l’une des formes prévues à l’article R. 213-5 du Code de l’Urbanisme :

  • Soit en papier, en quatre exemplaires, envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception ou déposée contre décharge
  • Soit par voie électronique, un seul exemplaire suffisant.

Elle doit contenir au minimum le prix et les conditions de la vente.

La commune dispose alors d’un délai de deux mois, à compter de la réception de la DIA, pour exercer son droit de préemption. En l’absence de réponse dans ce délai, la commune est réputée avoir renoncé à exercer son droit (article R. 213-5 du Code de l’Urbanisme).

Cession de parts de SCI face au DPU

Les cessions de la majorité des parts d’une société civile immobilière ou les cessions conduisant un acquéreur à détenir la majorité des parts de ladite société, lorsque le patrimoine de cette société est constitué par une unité foncière, bâtie ou non, dont la cession serait soumise au droit de préemption. Le présent 3° ne s’applique pas aux sociétés civiles immobilières constituées exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus ;”

Article L.213-1 3° du Code de l’urbanisme

Le principe : pas de DPU sur la cession de parts sociales

La cession de parts sociales est, par nature, une opération mobilière qui n’entraîne pas directement de transfert de propriété immobilière. Elle échappe donc en principe au DPU.

Toutefois, ce principe peut être remis en cause dans certaines situations précises.

L’exception : changement de contrôle de la SCI

Depuis la loi Alur n° 2014-366 du 24/03/2014, l’article L.213-1 3° du Code de l’urbanisme prévoit que le DPU s’applique à la cession de parts de SCI lorsque plusieurs conditions cumulatives sont réunies :

  1. La cession doit concerner la majorité des parts de la SCI ou permettre à l’acquéreur d’obtenir cette majorité (c’est-à-dire au moins la moitié des parts + une part)
  2. Le patrimoine de la SCI doit être constitué d’une unité foncière unique, bâtie ou non bâtie. Par « unité financière unique » on entend un bien immobilier formé d’une ou plusieurs parcelles contiguës appartenant au même propriétaire. Concrètement, si la SCI possède plusieurs biens immobiliers, ou un seul bien immobilier et des biens mobiliers (par exemple des parts sociales) à son actif, le DPU ne s’applique pas.
  3. Cette unité foncière doit être située dans un périmètre de DPU

Cas particulier des SCI familiales

L’article L.213-1 3° exclut expressément les SCI constituées exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus. Cette exception vise à faciliter les transmissions familiales.

Le quatrième degré de parenté inclut :

  • En ligne directe : arrière-arrière-grands-parents et arrière-arrière-petits-enfants
  • En ligne collatérale : cousins germains, grands-oncles et grandes-tantes

Risques en cas d’omission de la DIA

Si la cession de parts entre dans le champ du DPU et qu’aucune DIA n’est déposée, la commune peut demander l’annulation de la cession de parts de SCI.

L’action en nullité est ouverte pendant cinq ans à compter de la publication de l’acte de cession au registre du commerce et des sociétés (article L.213-2 dernier alinéa du Code de l’Urbanisme).

Recommandations pratiques pour sécuriser la cession de parts de SCI

Pour éviter tout risque contentieux, adoptez systématiquement les bons réflexes :

1. Réalisez une analyse préalable de la SCI

  • La SCI détient-elle un unique bien immobilier ou plusieurs actifs ?
  • Le bien est-il situé dans une zone de DPU ?
  • L’acquéreur est-il un tiers au cercle familial ?
  • La cession permettra-t-elle à l’acquéreur de détenir la majorité des parts ?

2. Interrogez la mairie avant la cession

Un simple courrier ou une demande d’information auprès de la mairie peut permettre de confirmer l’existence d’un périmètre de DPU. Certaines collectivités proposent désormais une vérification en ligne sur leur site internet.

3. Diversifiez le patrimoine de la SCI si nécessaire

Si vous souhaitez éviter l’application du DPU, envisagez d’intégrer d’autres actifs au patrimoine de la SCI avant la cession.

4. Insérez les mentions adéquates dans l’acte de cession

  • Attestation de dépôt de DIA (ou attestation d’absence d’obligation de DIA),
  • Clause de garantie contre l’exercice ultérieur du DPU.
  • Mention claire du caractère mobilier de l’opération, sauf prise de contrôle effective.
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